Thelma de Joachim Trier

Sur la glace, une petite fille avance aux côtés de son père. Plan large, épuré, pour une séquence à la limite de l’onirisme. La beauté des paysages norvégiens, saisissante, rappelle les contes peuplés de princesses et d’animaux sauvages, où la mort n’est finalement jamais bien loin. Alors qu’il braque son fusil sur une biche, le père se retourne et vise son enfant. Magistrale, l’ouverture du quatrième film de Joachim Trier donne le ton. Thelma sera, à l’image des paysages scandinaves, glacé, intrigant, voire inquiétant.

Le feu sous la glace

Thelma, c’est cette enfant non sacrifiée, cette jeune fille que l’on (re)découvre perdue au sein de la fourmilière qu’est l’Université d’Oslo. Vue du ciel, elle est toute petite, mais avance. Sans cesse, sans se retourner. Le regard franc, presque frondeur. Elle avance tel un oiseau de proie.
Solitaire, élevée par des parents pieux, Thelma éprouve, tout au moins au début, des difficultés à s’adapter à sa vie d’étudiante. Mélange de la Carrie de De Palma et de la Nina d’Aronofsky, elle se cherche… alors comment trouver les autres ?

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© Le Pacte

Lorsqu’Anja, le prototype de la fille bien dans sa peau, entre dans sa vie, l’attirance est immédiate. Tiraillée entre découverte de l’attraction physique et éducation rigoriste, Thelma tremble, chancelle, troublée jusqu’à la souffrance. Sa psyché contrariée s’en prend à son corps, saisi de crises psychogènes non épileptiques. Le réalisateur s’aventure alors à la lisière du fantastique pour exprimer le combat que la jeune fille livre avant tout contre elle-même : pour voler de ses propres ailes, elle devra certes briser le carcan de l’éducation parentale, mais aussi parvenir à s’accepter telle qu’elle est… après avoir reconquis son passé.

Sorcière des temps modernes ?

En équilibre entre psychanalyse et surnaturel, Joachim Trier délivre un film dont la thématique profonde – la quête d’identité d’un être solitaire, quelque peu mélancolique, confronté au monde – n’est pas sans rappeler celle de ses précédents films, notamment le poignant Oslo, 31 août, relecture moderne du Feu Follet de Drieu La Rochelle. Offrant de multiples pistes d’interprétation, le film se perd un peu dans sa deuxième partie : un symbolisme parfois trop chargé nuit à sa fluidité, sans pour autant en réduire la beauté.

Mais si le nouveau film de Joachim Trier est plus qu’un bel objet, c’est qu’il est incarné avec talent par Eili Harboe, débutante qui insuffle toute l’humanité nécessaire à Thelma, cette sorcière des temps modernes, prisonnière de ses pulsions et de ses propres interdits.
La fin, un peu rapide, laisse entrevoir un futur plus apaisé pour la jeune fille, enfin en accord avec elle-même.

Thelma, Joachim Trier, 2017, 116 mn. Avec Eli Harboe, Ellen Dorrit Petersen, Henrik Rafaelsen, Kaya Wilkins, etc.

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