Coups de cœur de décembre

Décembre, mois des bilans et autres retours sur l’année écoulée… En attendant de retrouver le top 10 des films 2017 du blog, voici les favoris du mois. Du Clouzot stressant au film mexicain social en passant par du Campion en série ou des livres ancrés dans le réel… l’esprit de Noël n’est plus vraiment là. Qu’importe !

Le salaire de la peur, Henri-Georges Clouzot, 1953, 150 mn.

Le talent de Clouzot n’est certes plus à démontrer. Mais avec Le salaire de la peur, doublement primé au Festival de Cannes (Palme d’or, prix d’interprétation pour Charles Vanel) et Ours d’or au Festival de Berlin, celui que l’on surnomme le Hitchcock français se hisse au niveau des plus grands.

Si l’on retient en général la deuxième partie du film, à savoir le convoi de nitroglycérine en camion par quatre morts en sursis  – la mission étant clairement proche du suicide  –, son premier tiers, qui prend place dans le village fictif de Las Piedras, est nécessaire. Implanté en Amérique latine, ce bourg réunit tous les parias, tous les « inutiles » venus des quatre coins du monde, tous ces hommes dont plus personne ne veut. Sous la chaleur étouffante, cette prison à ciel ouvert, proche de l’enfer, rend fou.

Lorsque des Américains proposent à ces hommes de conduire des camions chargés de nitroglycérine sur des routes accidentés pour 2 000 dollars chacun, ils n’hésitent pas et signent. C’est le début d’une course folle, à la limite du sadisme, orchestrée par un Clouzot plus retors que jamais. La tension gagne aussi bien les quatre conducteurs que les spectateurs. Yves Montand et Charles Vanel, au volant d’un des deux camions, excellent dans l’inconscience comme dans la lâcheté. Un grand moment de cinéma, à découvrir absolument et si possible sur grand écran.

 

Un monstre à mille têtes, Rodrigo Plá, 2016, 74 mn.

Quel est ce monstre à mille têtes, titre du deuxième film du réalisateur mexicain Rodrigo Plá ? Le système de santé de son pays. Un système qui oblige à s’assurer pour espérer être soigné sans pour autant certifier que tous les frais médicaux seront couverts. C’est ce qui arrive à la famille de Sonia. Son mari souffre d’un cancer qui semble empirer. Un traitement pourrait le sauver, mais impossible d’avancer une telle somme. Comment faire pour que sa voix soit entendue des médecins et des grands pontes qui dirigent la compagnie d’assurance ?

La mise en scène sèche, sans aspérités, entraîne le spectateur dans cette spirale infernale qui mène Sonia jusqu’à la prise d’otages et au procès. Quand le dialogue est impossible, que reste-t-il à part l’intimidation et la violence ? Porté par Jana Raluy, actrice de théâtre reconnue, le long-métrage de Rodrigo Plá agit comme un couperet et décrit parfaitement le monde fait d’injustice qui est le nôtre. Un film âpre, court et tendu.

👉 Retrouvez plus de critiques cinéma par ici.

 

© BBC

Top of the lake : China Girl (saison 2), Jane Campion, 2017, 6 épisodes.

Après le sauvage des paysages de Nouvelle-Zélande, Jane Campion, toujours aux commandes de la série, ramène Robin Griffin (Elisabeth Moss) dans la grande ville. A peine débarquée à Sydney, l’inspectrice réintègre la brigade criminelle. Lorsqu’une jeune asiatique est retrouvée morte dans une valise échouée sur la plage, elle s’empare de l’affaire… qui s’avérera liée à son passé. Car ces nouveaux épisodes sont aussi ceux des retrouvailles avec Mary, l’enfant biologique que Robin a fait adopter à la naissance.

Si cette deuxième saison séduit toujours, elle se révèle en deçà de la précédente, la faute notamment à quelques facilités scénaristiques : il semblerait que tout Sydney soit lié, d’une manière ou d’une autre, à Robin ou son enquête ! Le côté caricatural de certains personnages (Mary, jouée par Alice Englert, qui n’est autre que la fille de Campion ; et Alexander, son amant quadragénaire à la morale pour le moins ambiguë) parvient à être compensé par les prestations tout en nuances d’Elisabeth Moss (découverte dans ce chef-d’œuvre du petit écran qu’est Mad Men, et plus récemment premier rôle de la très réussie The Handmaid’s Tale), Gwendoline Christie, impeccable dans le rôle de la nouvelle coéquipière de Robin, ou encore Ewen Leslie, qui joue le père de Mary. Cette fois encore, la place des femmes dans la société et la lutte sans fin qu’elles doivent mener sont au cœur de la saison, avec une belle mise en valeur de la maternité. Qu’est-ce qu’être mère ? Qu’en est-il des mères porteuses ou des mères adoptives ? Quid du lien d’attachement et de sa construction progressive ? Autant de questions qui irriguent ces huit nouveaux épisodes.

Une saison à découvrir, malgré quelques défauts, ne serait-ce que pour la mise en scène toujours inspirée de Jane Campion et l’intensité du jeu d’Elisabeth Moss.

👉 Retrouvez plus de critiques séries par ici.

 

© Editions de l’Olivier/Mercure de France

Le quai de Ouistreham, Florence Aubenas, 2010, 276 p.

Enquête sur les conditions de travail (et de vie) des personnes non diplômées plongées dans la précarité, Le quai de Ouistreham fait mal.

Partie s’installer en Normandie pour les besoins de son livre, Florence Aubenas se rend à Pôle Emploi, participe à des forums, finit par trouver quelques contrats en tant que femme de ménage. Enquêtrice infiltrée, elle vit le quotidien de ces trop nombreuses personnes obligées de se lever à 4 h 30, faire de longues heures de transport et un travail éreintant pour un salaire de misère et une considération proche du néant. Voilà notre société.

Heureusement, de belles personnes sont là, telles ces collègues ou conseillers rencontrés par la journaliste le temps de son enquête. Un livre fort, qui expose dans toute sa crudité le quotidien de bien trop de travailleurs.

 

Ton père, Christophe Honoré, 2017, 192 p.

Ouvrage autobiographique, Ton père s’adresse à la fille de l’auteur, Christophe Honoré. Il lui raconte ce qu’a été sa jeunesse, la découverte de son homosexualité, du sexe, mais aussi son désir de paternité… et les réactions que cela a suscité dans son entourage. De son histoire individuelle aux changements sociétaux, l’écrivain-cinéaste brosse le portrait d’une France qui se replie sur elle-même plus qu’elle ne s’ouvre à la différence.

Un ouvrage poignant tant il est clair qu’aujourd’hui encore être gay (et parent) est loin d’être accepté par tout le monde. Ode à la tolérance, à l’amour et à la famille, ce court ouvrage à l’écriture franche et directe fait du bien par son courage.

👉 Retrouvez plus de critiques de livres par ici.

4 commentaires sur “Coups de cœur de décembre

Ajouter un commentaire

  1. Le salaire de la peur était mon premier Clouzot je crois, contente de voir que tu as aimé 😊
    Concernant tes lectures si ce n’est pas déjà lu je te conseille un autre livre de Florence Aubenas : En France. Recueil de ses chroniques du Monde pendant la précédente campagne. Très intéressant.

    Aimé par 1 personne

    1. J’ai adoré ! J’aime beaucoup le cinéma de Clouzot, et Le salaire de la peur ne fut pas une déception. Loin de là. Je me demande même pourquoi j’ai attendu si longtemps pour le voir ! Sa durée de 2 h 30 étant quand même une raison minable pour repousser 😅
      Super, merci ! Je n’ai pas lu ce livre, je le note sur ma liste et j’essaierai de le trouver à la médiathèque. Plus le monde va mal, plus j’aime me plonger dans ce type de bouquins.

      Aimé par 1 personne

      1. J’aime beaucoup Florence Aubenas. C’est toujours à la fois très juste et très respectueux des gens dont elle parle. Et plutôt plein d’espoir au final je trouve. Il devrait te plaire ce bouquin 😊

        Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire

Un Site WordPress.com.

Retour en haut ↑